Faites une recherche dans ce blog

Affichage des articles dont le libellé est Bataille médiévale. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Bataille médiévale. Afficher tous les articles

mardi 12 octobre 2021

La Bataille de Courtrai (11 juillet 1302)

Retrouvez ci-dessous mon article sur la Bataille de Courtai paru, en janvier 2021,
dans la revue Histoire de l'Antiquité à nos jours, des Editions Faton.

Pour une meilleure lecture, cliquez sur chacune des pages !










____________________

Copyright - Olivier PETIT - La France Médiévale - 2021 © Tous droits réservés

dimanche 5 janvier 2020

LA BATAILLE DE NANCY - 5 janvier 1477


LA BATAILLE DE NANCY - 5 janvier 1477 
Une victoire fondatrice pour le duché de Lorraine 

Dès l’accession au duché de Lorraine de René II le 2 août 1473, Charles de Bourgogne contesta cette
principauté, rêvant de l’incorporer à son patrimoine. La bataille qui s’ensuivit, régla
définitivement la question des prétentions bourguignonnes.


"La bataille de Nancy, 5 janvier 1477"
Miniature du manuscrit "La Nancéide" de Pierre de Blarru. 1518. (Musée Lorrain de Nancy)
A gauche, les Suisses et les Lorrains , René II en tête chargent les Bourguignons.
Au dessus, le duc de Bourgogne et son cheval sont morts.
Dans le coin inférieur droit, Campo Basso massacre les Bourguignons en fuite.
Dans le coin inférieur gauche, les forces alliées ont capturé les canons bourguignons
et les ont tournés vers l'ennemi. En plein champ, c'est la bataille qui fait rage.
Enfin, en haut, la ville de Nancy


Charles le Hardi (l’appellation de Téméraire est tardive) obtint avec le traité signé à Nancy le 15 octobre 1473 le droit de placer des garnisons bourguignonnes dans plusieurs forteresses lorraines lui permettant de relier toutes ses terres (la Bourgogne, le Charolais, la vallée de la Flandre, le Brabant, le Hainaut, l’Artois, la Picardie, le Luxembourg et le comté de Thionville.

Mécontent, le duc de Lorraine s’employa à harceler les troupes de Charles par des embuscades.

Déterminé, Charles mit le siège devant Nancy. Les bombardes bourguignonnes ébranlant petit à petit les remparts, René II préféra ordonner le 25 novembre aux 2 200 Allemands et aux 500 Gascons présents à ses côtés de quitter Nancy ; ils le feront le 27.


"Charles le Téméraire assiégeant Nancy, 22 octobre 1476"
 Enluminure tirée de "La Chronique de Lucerne" (1511-1513)
écrite par le chroniqueur Diebold Schilling der Jüngere (1460-1515) 
(Bibliothèque Centrale de Lucerne)


Nancy aux mains de Charles, Jean de Rubempré, seigneur de Bièvre, devint gouverneur de la Lorraine et chef de la garnison bourguignonne.

La révolte de René II de Lorraine 

Profitant du départ de Charles de Bourgogne le 14 février 1476 pour la Suisse où il voulait soumettre les « vachers » qui avaient pris plusieurs de ses châteaux, René II assiégea et reprit la cité ducale.

La nouvelle de cette prise indisposa Charles qui marcha en direction de la Lorraine avec 10 à 12 000 hommes. A Pont-à-Mousson, le combat faillit s’engager entre les deux factions mais René II préféra se retirer estimant son infériorité numérique trop défavorable.

Le duc de Bourgogne, qui avait accordé sa confiance au condottiere Napolitain Cola II de Monteforte, comte Campo Basso, un traître vendu au roi de France et au duc de Lorraine, fut abandonné par ce dernier.

Charles installa son quartier général à la commanderie Saint-Jean et ordonna le siège de Nancy dès le 22 octobre 1476. Entre temps, le duc de Lorraine avait quitté subrepticement sa capitale pour aller chercher de l’aide auprès des cantons suisses et des Alsaciens. La garnison lorraine et les habitants de Nancy promirent de tenir aussi longtemps que possible.


Gaston Save, La tente de Charles Le Téméraire à la Commanderie Saint Jean, 1896 
© Musée lorrain, Nancy


Arrivé à Bâle, le 2 novembre 1476, René II parvint à convaincre les cantons suisses de l’aider dans cette tâche ardue de recouvrer son duché. Il se porta ensuite à Berne et à Lucerne où il leur promit une forte somme. Le maître d’hôtel ducal, Suffren de Baschi fut alors chargé de se rendre à Nancy pour prévenir la garnison et ses habitants de la venue imminente du duc mais il fut capturé et pendu par les Bourguignons (en représailles René II demanda l’exécution d’une centaine de prisonniers).

Poursuivant sa campagne de recrutement, le duc de Lorraine arriva en Alsace pour convaincre les Alsaciens du bien fondé de sa requête. Guillaume Herter de Strasbourg accepta volontiers de l’aider. Pendant ce temps là, les Suisses se concentrèrent à Bâle avant de traverser l’Alsace où ils se livrèrent à de vils pillages. Oswald de Thierstein régla la somme de 2 500 florins, première solde promises aux combattants suisses et alsaciens, afin de s’assurer du soutien réel des Suisses.

L’assaut bourguignon du 26 décembre 1476 fut très coûteux en hommes, Charles perdit un tiers de ses effectifs. Le froid et la neige causèrent également la mort de 400 Bourguignons dans la nuit de Noël. Puis comme prévu, le 1er janvier, le comte de Campo Basso quitta le camp du duc Charles avec sa condotta prétextant d’aller au devant des renforts venant de Flandre ; en réalité, le duc de Lorraine lui avait garanti la seigneurie de Commercy en échange de son aide.

"L'armée lorraine quittant Saint-Nicolas de Port"
 Enluminure tirée de "La Chronique de Lucerne" (1511-1513)
écrite par le chroniqueur Diebold Schilling der Jüngere (1460-1515) 
(Bibliothèque Centrale de Lucerne)


Le 3 janvier 1477, René II passa à Croismare et le 4 arriva à Saint-Nicolas-de-Port, point de ralliement des combattants, dans la matinée. Les Suisses, les Allemands et les Alsaciens y parvinrent dans l’après-midi. Une lanterne fut placée sur le clocher de la basilique Saint-Nicolas pour signaler aux Nancéiens l’arrivée imminente de leur duc. 

Les forces en présence et le champ de bataille 

Les sources bourguignonnes d’Olivier de la Marche et de Jean de Margny apportent de maigres renseignements. Par contre, du côté des alliés, les informations sont plus loquaces avec notamment les récits vivants des Lucernois Peterman Etterlin et Diebold Schilling et de Pierre de Blarru, personnages ayant prit part à la bataille. Enfin, la chronique de Lorraine, source à ne pas négliger, est néanmoins à considérer avec prudence.

La composition des deux armées était hétéroclite. En effet, René II avait réussit à réunir près de 20 000 combattants (dans « La vraye déclaration du fait et conduite de la bataille de Nancy », René II indiqua que son armée comprenait de 19 à 20 000 hommes) venant de Suisse, d’Alsace et d’ailleurs ; Charles de Bourgogne en rassembla entre 6 000 et 10 000 dont des Hollandais, Savoyards, Anglais et mercenaires italiens. 

Les coalisés 

Les contingents de cavaliers lorrains étaient sous le commandement de René II et de son maréchal le comte Oswald 1er de Thierstein. Les Suisses, qui composaient le noyau principal du duc de Lorraine avec 6 000 volontaires (piquiers, hallebardiers et couleuvriniers), venaient de Zurich (2 430 hommes), de Lucerne (1 200 hommes), de Berne (1 087 hommes) et d’autres ortes (Schaffouse, Soleure, Appenzell, Fribourg, Unterwald et Uri). Le lucernois Henrich Hassfurter, le zurichois Hans Waldmann et le bernois Brandolfe de Stein en étaient les principaux capitaines.

Combattants lorrains. Reconstitution de la Compagnie Médiévale
"La Massenie de Saint-Michel" de Saint-Mihiel. Blâmont 7 juillet 2003.

Les Alsaciens (de Colmar et de Strasbourg), sous les ordres du strasbourgeois Guillaume Herter de Hertenegg et les Bâlois fournirent chacun un contingent d’infanterie. L’abbé de Saint-Gall, le comte Eberhard VI de Wurtemberg et les cités de Schaffhouse et de Rothweil envoyèrent des cavaliers. Au dessus de cette armée, flottaient les bannières et pennons des évêques de Bâle et de Strasbourg ainsi que du duc d’Autriche, Sigismond.


Combattants Suisses, couleuvriniers, piquiers et hallebardiers".
Pierre de Blarru. La Nancéide
Gravure sur bois. 151. Imprimé à Saint-Nicolas-de-Port par Jean Jacobi
(Bibliothèque diocésaine de Nancy)


René II connaissait bien les Suisses et les Strasbourgeois pour avoir combattu à leurs côtés à Morat avec 250 cavaliers. Il fut même adoubé à cette occasion par Guillaume Herter de Hertenegg dans la clairière de Lurtingen le 22 juin à l’âge de 20 ans.

Le condottiere napolitain Cola II de Monteforte, accompagné de ses fils, de son frère Angelo et de son cousin Jean apporta son aide à René II en le rejoignant avec 300 cavaliers. 

Les Bourguignons 

L’armée du duc de Bourgogne offrait une bien piètre image depuis les cinglantes défaites de Grandson et de Morat en mars et juin 1476. Il paraissait donc normal que Charles de Bourgogne ne put constituer une armée à la hauteur de ses ambitions. Nous savons que le 8 décembre 1476, environ 10 000 hommes furent payés pour leur service par le prince mais les conditions météorologiques et les conflits larvés entamèrent ce potentiel militaire. A ses côtés se trouvaient entre autres son frère le Grand-Bâtard Antoine, Philippe de Croy comte de Chimay, Engelberg II comte de Nassau-Dillenburg, Frédéric de Florsheim comte de Bade, Philippe de Hochberg comte de Neufchâtel et Olivier de la Marche.

Deux corps de cavalerie étaient commandés par Josse de Lalaing et le condottiere napolitain Jacques de Galeotto. Charles avait prévu des pièces d’artillerie. Des archers anglais montés, des contingents savoyards et hollandais complétaient le dispositif.

Une bataille perdue d’avance 

Ce 5 janvier 1477, il neigeait. Après la lecture de la Cyropédie, Charles de Bourgogne rassembla ses troupes tôt dans la matinée. Il enfourcha son cheval noir dénommé Moreau et selon les récits de l’époque, lorsque son écuyer lui tendit son casque, le cimier au lion d’or le surmontant s’en détacha et tomba à terre ; le duc désabusé aurait prononcé "Hoc est signum Dei "(c’est un présage de Dieu).

Il redoubla alors d’ardeur, se plaça au centre avec son artillerie (à l’emplacement exact de l’actuelle église Notre-Dame-de-Bonsecours) devant lui sur la route venant de Jarville, les archers anglais derrière, et demanda à Josse de Lalaing et ses cavaliers de prendre position sur sa droite et à Jacques Galeotto de s’installer avec ses hommes sur sa gauche. La Meurthe protégeait le flanc gauche et le bois de Saurupt le flanc droit.


Vous pouvez agrandir cette vignette en cliquant dessus !


En face, les coalisés venaient de Saint-Nicolas-de-Port, qu’ils avaient quitté à huit heures du matin. Ils s’arrêtèrent un peu avant le village de Jarville afin de déterminer le plan de bataille. Deux déserteurs Bourguignons capturés révélèrent à René II et à ses alliés la disposition des troupes du Téméraire ainsi que la configuration du terrain. Pendant toute la délibération, la neige tombait à gros flocons. Prendre le flanc droit tenu par la cavalerie de Lalaing était la clef de cette bataille.



Vous pouvez agrandir cette vignette en cliquant dessus !

L’ordre de marche fut alors décidé. René II remonta sur sa jument grise La Dame puis se plaça en tête de l’armée avec ses cavaliers lorrains. Le comte de Campo Basso fut envoyé à Bouxières-aux-Dames pour garder le pont et empêcher la fuite des Bourguignons par la route principale menant à Metz.


Vous pouvez agrandir cette vignette en cliquant dessus !


L’avant-garde (3 ou 400 cavaliers lorrains et français) commandée par le seigneur de Rosières-aux-Salines, Vautrin Wisse, emprunta alors le petit sentier contournant le bois de Saurupt, traversa le ruisseau de Heillecourt, passa à proximité de la ferme de la Malgrange, franchit le ruisseau de Jarville, coupa la route menant à Vandoeuvre, effaça le ruisseau de la Madeleine, progressa sous le couvert du bois de Saurupt et s’arrêta à la lisière de ce dernier à un kilomètre des positions bourguignonnes.

 Les piquiers, hallebardiers et couleuvriniers suisses ; René II et ses lieutenants Oswald de Thierstein en tête lui avaient emboîté le pas. Les combattants étaient éreintés après cette manoeuvre de contournement par ce froid glacial et cette neige abondante. En ce début d’après-midi, Charles de Bourgogne ne se doutait pas de la présence d’une telle force (400 cavaliers, 4000 couleuvriniers, 4000 piquiers, 3000 hallebardiers et 2000 hommes d’armes) sur son flanc droit, force prête à bondir.
 
 Le duc René II au cœur de la bataille, à cheval et paré de la croix de Jérusalem
(dessin de Pierre Joubert)



A 13 heures, la neige cessa de tomber et le soleil apparut; l’ordre d’attaquer fut alors donné. Les Suisses firent alors souffler trois longs et lugubres coups de trompe (cantons d’Uri et d’Unterwald !), signal de l’assaut. La surprise fut totale, les cavaliers de Josse de Lalaing submergés, reculèrent. 

L’artillerie de Charles impuissante, ne put refouler ce flux de combattants suisses, lorrains, alsaciens et allemands. Les couleuvriniers suisses avancèrent en déchargeant toutes leurs munitions, suivis des hallebardiers et des piquiers qui embrochèrent les Bourguignons encore vivants.

L’armée restée en face du Téméraire passa aussi à l’attaque. L’artillerie capturée fut retournée contre les Bourguignons. Les archers anglais infligèrent des pertes aux alliés mais rapidement, ils cédèrent face à cette marée humaine. Jacques de Galeotto, estropié, se retira en traversant au gué de Tomblaine puis s’enfuit vers le Nord.

La bataille de Nancy - Charles le Téméraire en plein combat
Enluminure tirée de "La Chronique de Lucerne" (1511-1513)
 écrite par le chroniqueur Diebold Schilling der Jüngere (1460-1515)
(Bibliothèque Centrale de Lucerne)


Le duc de Bourgogne et ses hommes assaillis de toute part se replièrent vers la commanderie Saint-Jean et vers Bouxières-aux-Dames. Rattrapés par les Suisses et les Lorrains, ils furent achevés près de l’étang Saint-Jean. Charles, blessé, s’écroula. Claude de Bauzemont, châtelain de Saint-Dié, acheva le Grand Duc d’un coup de hache sur la tête. 

René II et ses alliés font une entrée triomphale à Nancy. 

En fin de journée, René II demanda au condottiere s’il n’avait pas vu le duc de Bourgogne ; la réponse fut négative. Le duc de Lorraine fit quand même son entrée dans sa chère capitale. Mais, son esprit était accaparé par Charles, où était-il, avait-il fui ou était-il mort ?

Au cours du combat, Jean Max von Eckwersheim captura le comte de Nassau, Jean de Bidos, seigneur de Pont-Saint-Vincent, Antoine le Grand Bâtard et Guillaume de Rappolstein le comte de Chimay.

 D’après un chroniqueur suisse, 5 699 cadavres de Bourguignons gisaient dans la plaine nancéienne ; chiffre incluant vraisemblablement les combattants morts lors des sièges de Nancy. La petite armée de Charles perdit en tout cas les 2/3 de ses effectifs si l’on se réfère au nombre de compagnies d’archers anglais rentrés dans leur patrie en janvier et février 1477. Cette défaite fut cuisante et coûteuse en hommes.


Dague et éperon à ailette (XVe siècle) trouvés près de l'étang Saint-Jean 
(Conservés au Musée Lorrain de Nancy)


Les honneurs rendus au Téméraire 

Le lundi 6 janvier 1477, René II obnubilé par le Téméraire partit à sa recherche, interrogea des prisonniers, envoya des hommes arpenter la Lorraine et même au-delà. La prospection demeurait infructueuse quand le soir venu le Napolitain Cola de Montforte lui amena un jeune page romain, Baptiste Colonna. Celui-ci lui annonça qu’il était au service du prince tant recherché et qu’il l’avait vu s’effondrer à proximité de l’étang Saint-Jean.

Le lendemain, mardi 7, le page mena le duc de Lorraine dans le pré de Virelay non loin de l’étang Saint-Jean où il lui présenta son maître, étendu parmi d’autres cadavres. Il était nu, dépouillé de ses atours, la tête prise dans la glace, une joue dévorée par un loup et le corps piétiné par des chevaux.

Le médecin portugais du Grand Duc, Lopo da Guarda fut mandé. Il fit une inspection rigoureuse de son prince, releva qu’il avait le crâne fendu par une hache, deux plaies profondes dans le bas des reins et les cuisses dues à des coups de piques ; puis le reconnut grâce à six signes : des dents manquaient à sa mâchoire, une cicatrice au cou (résultat d’un coup de lance à la bataille de Montlhéry), la trace d’un furoncle à l’épaule, des ongles très courts, un gros orteil au pied gauche, un ongle incarné et la trace d’une fistule au testicule droit.

Formellement identifié, la dépouille de Charles fut portée dans une maison de Nancy, chez Georges Marquiez ; son corps fut lavé puis revêtu d’une longue robe brodée et la tête couverte d’une toque rouge.

 Le duc de Lorraine, René II devant la dépouille
du duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, le 12 janvier 1477.
Chronique de Louis XI, dite Chronique scandaleuse (1498-1502, par Jean de Roye)

Le samedi 11 janvier, l’embaumement du corps eut lieu et le lendemain, René II fit célébrer une messe à 6 heures du matin en la collégiale Saint-Georges. Enfin, le corps du Téméraire et celui de Jean de Rubempré furent inhumés dans le transept.

Pour commémorer son succès, René II édifia un sanctuaire appelé Notre-Dame de la Victoire ou de Bonsecours dès 1484 sur le terrain même où se déroula le combat ; Olry de Blâmont, évêque de Toul la consacra en 1498. La cité de Saint-Nicolas-de-Port se dota également d’une magnifique basilique dès 1480, signe de la dévotion de René II qui participa financièrement à son édification.



*

Comme le souligna Pierre de Ram au XIXe siècle dans son Histoire des chroniques liégeoises au temps de Charles le Téméraire : « le duc perdit son trésor à Grandson, son honneur à Morat et la vie à Nancy ». A Nancy, comme à Héricourt et Morat, la bataille se déroula suivant trois axes : surprise, panique et massacre. La supériorité numérique des coalisés eut raison des Bourguignons.

La puissance bourguignonne s’éteignit après plus d’un siècle d’histoire orgueilleuse le 5 janvier 1477 à Nancy. Le Grand Duc mort, le rattachement de son duché à la couronne de France, théoriquement effectué le 31 janvier 1477, a en fait demandé une conquête marquée notamment par les soulèvements populaires de Dijon (1477), de Beaune et de l’Auxois (1478).



Olivier PETIT

Historien médiéviste

Créateur et administrateur des blogs


et la France Médiévale (http://lafrancemedievale.blogspot.fr)

____________________________



Sources historiques: 

Pierre de BLARRU, La Nancéide ou la Guerre de Nancy, traduction de F. Schütz, 1840.
Pierre de BLARRU, La Nancéide, poème consacré à la victoire remportée devant Nancy par le duc de Lorraine René II sur le duc de Bourgogne, Charles le Téméraire, le 5 janvier 1477, traduction de Jean Boës - (Collection "Etudes anciennes 32") - Editions De Boccard - 2006
Différentes chroniques


Bibliographie sélective : 

La bataille de Nancy, catalogue de l’exposition 1477-1977, Musée Historique Lorrain.
Cinq centième centenaire de la bataille de Nancy 1477, Actes du colloque, 1977, Université Nancy II.
P. FREDERIX, La mort de Charles le Téméraire, Gallimard, 1971.
C. PFISTER, Histoire de Nancy, Paris 1902-1909.

Pour ceux qui veulent avoir une version "papier" de mon article, vous pouvez acheter
le dernier numéro d'Histoire Antique et Médiévale (Janvier-Février 2017)


____________________



Copyright - Olivier PETIT - La France Médiévale - 2017 © Tous droits réservés

lundi 23 janvier 2017

LUDRES (54) - Exposition "540 ans de la bataille de Nancy" (24 janv.-25 fév. 2017)

A partir d'aujourd'hui, 14h, et jusqu'au 25 février prochain, venez voir l'exposition sur la Bataille de Nancy et le duc René II de Lorraine à la médiathèque de Ludres (54), aux heures d'ouvertures.

Employé à la médiathèque de Ludres, historien médiéviste de formation et ayant déjà faire paraître,
dans diverses revues historiques locales et nationales, des articles sur le sujet, j'ai souhaité mettre
en avant cette bataille, fondatrice pour le Duché de Lorraine, à travers une exposition dont j'ai
préparé la plupart des panneaux que vous pourrez voir au rez-de-chaussée de la médiathèque
de Ludres. Des pièces d'armures et des armes médiévales, copies fidèles du XVe siècle,
une reconstitution du camp de Charles le Téméraire et une évocation, en figurines,
de la bataille, seront également exposées pour le bonheur des petits et des grands.

LUDRES (54) - Exposition "540 ans de la bataille de Nancy" (24 janv.-25 fév. 2017)

Une trentaine de panneaux illustrés (photos, miniatures, plans, gravures, dessins...)
sur la bataille de Nancy et le duc René II de Lorraine vous attendent !

Pour en savoir plus, notamment au sujet des horaires d'ouverture de la médiathèque de Ludres,
allez sur son site internet en cliquant ici
 ____________________________

Copyright - Olivier PETIT - La France Médiévale - 2017 © Tous droits réservés

mardi 5 avril 2016

La Bataille d'Anthon (11 juin 1430)

La Bataille d’Anthon
(11 juin 1430)


Les raisons de cette bataille

Souvent considérée comme un épisode important des guerres du XVe siècle entre le royaume de France et le duché de Bourgogne, la bataille d'Anthon avait bel et bien pour enjeu l'intégrité du Dauphiné, considéré, à tort, comme le maillon le plus faible du royaume de Bourges.
         
Dès 1426, Louis II de Chalon (1390-1463), prince d'Orange et vassal franc-comtois de Philippe le Bon (1396-1467), duc de Bourgogne, s'était lié par une convention secrète avec le duc de Savoie, Amédée VIII, en vue de dépecer le Dauphiné. En effet, le prince d'Orange avait le rêve ambitieux de réunir son domaine de Franche-Comté à sa Principauté d'Orange, par la vallée rhodanienne, à travers le Dauphiné.
   
Depuis le désastre de la bataille de Verneuil (17 avril 1424), Amédée VIII pensait que la conquête du Dauphiné par Louis de Chalon était une chose tout à fait réalisable puisque l'élite dauphinoise fut complètement anéantie. Ainsi, il envoya trois cents lances triées sur ses réserves, tout en se tenant à l'écart. Bien qu'appuyant son vassal ambitieux, le duc de Savoie rêvait toujours de la Grande Savoie, qui s'étendait, jadis, des Alpes à Lyon, et trouva ainsi l'occasion de remettre en cause le traité de Paris, du 5 janvier 1355, qui établissait la limite entre la Savoie et le Dauphiné. Il espérait sans doute récupérer ses possessions en Viennois et en Velin. 



L'agression du Dauphiné par Louis de Chalon

De novembre 1427 à août 1428, Louis de Chalon agit seul sans tenir compte de la trêve intervenue entre Charles VII et le duc de Bourgogne. Il fit passer le Rhône à deux cents hommes d'armes qui pénétrèrent en Dauphiné au port d'Anthon. Le 1er mai 1428, ces soldats, issus de bandes de "routiers", eurent raison des quelques troupes delphinales occupant les châteaux contestés d'Anthon, de Colombier et de Saint Romain. Ces forteresses reçurent une garnison d'archers et d'arbalétriers bourguignons. Les lieutenants du prince d'Orange, Antoine Ferrières et Jean Grand, mirent en geôle plusieurs châtelains et fonctionnaires delphinaux dont Leuczon de Varey, Jean Richier, respectivement châtelains de Colombier et d'Anthon, ainsi que Falcon de Laigue, Antoine de Chaponnay et le notaire Jean Valencin. Anne de la Chambre, veuve de Bertrand de Saluces, décédé à la bataille de Verneuil, fut chassée de son château d'Anthon.

Château d'Anthon
Vestiges d'une tour du château d'Anthon
Château d'Anthon

Mais, le redressement du royaume de France, grâce aux initiatives de la Pucelle d'Orléans, contraint le prince d'Orange, inquiet, à accepter un compromis avec le gouverneur du Dauphiné, Raoul VI de Gaucourt (1375-1462), le 14 août 1428. Les portes des châteaux de Pusignan, d'Anthon et de Colombier furent à nouveau ouvertes aux commissaires delphinaux et les garnisons orangistes durent quitter les forteresses.

Louis de Chalon, quelque peu humilié, préparait en secret sa revanche. Il fit preuve de bonnes volontés mais continua à occuper les châteaux de la baronnie d'Anthon. Ainsi, durant l'hiver 1429_ 1430, il fit fortifier le port d'Anthon et installa des garnisons dans les principaux châteaux de la baronnie. Le château de Pusignan fut de nouveau occupé par des troupes orangistes. La Bâtie d'Azieu, forteresse delphinale, fut prise d'assaut et conquise en quelques heures. L'inquiétude se répandit à travers tout le pays, même jusqu'à la cité de Vienne, qui se prépara à résister aux assauts des hommes d'armes du prince d'Orange.

Château de Pusignan
Pan de murailles du château de Pusignan
   
Dès les premiers mois de 1430, on signala des levées d'hommes d'armes en Bourgogne. Le duc fut enfin décidé à mener une guerre totale contre le Dauphiné et le royaume de France. D'ailleurs, Louis de Chalon écrivit à son châtelain d'Anthon, Antoine Ferrières, en ces termes: "Très chier et bien amé escuier… lettres de Monsieur de Bourgogne, lesquelles contiennent, qu'il veut que nous fassions la guerre au Dauphiné le plus fort que nous pouvons…"  Il recommanda cependant de faire comme si rien ne se préparait, en obéissant aux gens du conseil delphinal.

La réaction du gouverneur du Dauphiné.

Raoul de Gaucourt, nouveau gouverneur du Dauphiné depuis le 1er novembre 1428, compris rapidement les intentions de Louis de Chalon. Il réunit les Etats du Dauphiné, le 20 mai 1430, à la Côte-Saint-André, pour voter un subside. Il se rendit ensuite à Annonay où il engagea les routiers espagnols de Rodrigue de Villandrando (1386-1457), qui traversèrent le Rhône à Vienne, le 26 mai. Le lendemain, il donna rendez-vous devant le château d'Auberive, à Humbert de Grolée (1400-1445), sénéchal de la ville de Lyon, qui amenait avec lui son contingent lyonnais ainsi que deux compagnies de Lombards commandées par Georges Bois et Burnon de Caqueran, seigneur de Saint-Georges-d'Espéranche.


Tabard de Louis de Châlons-Orange
Tabard de héraut de Louis de Châlons-Orange
Le livre de drapeaux de Fribourg (Fahnenbuch/Book of Flags)
de Pierre Crolot, 1648, Fribourg.  

Dès que la forteresse d'Auberive fut enlevée (le 27 mai), la petite armée se dirigea vers le nord et pénétra en Velin où elle établit son camp sous les murs du château de Pusignan, le 7 juin 1430. La garnison orangiste ne put résister longtemps et capitula dès la première attaque. Le jour suivant, ce fut la Bâtie-d'Azieu qui se rendit après un assaut terrible. Le vendredi 9 juin, l'armée delphinale se trouva devant le bourg fortifié de Colombier, qui comportait une forte garnison orangiste. Le capitaine châtelain résidait alors dans la puissante tour maîtresse circulaire dominant le village, depuis laquelle des archers et arbalétriers pouvaient tirer sur les assaillants. Pour réduire cette place forte au plus vite, le châtelain de Crémieu, Sibuet de Rivoire, fut chargé de ramener les bombardes de la cité de Crémieu.
   
Le bourg fut pris dans la journée mais une pluie torrentielle contraint les Dauphinois à renoncer au siège de la tour maîtresse où se trouvaient les derniers défenseurs. Le lendemain matin, vers 6 heures, la pluie cessa; ce qui permit aux hommes d'armes de Raoul de Gaucourt de poursuivre leur attaque du dernier réduit. En milieu de journée, après une défense acharnée, les Orangistes déposèrent les armes. Entre-temps, le prince d'Orange, qui venait de passer le Rhône la veille, dépêcha un groupe de soldats à Colombier afin de savoir ce qui s'y passait. Sur le chemin de Colombier, les hommes de Louis de Chalon se heurtèrent aux Milanais de Burnon de Caqueran qui venaient à leur rencontre, mais au lieu d'engager la lutte, préférèrent s'enfuir car ils étaient persuadés que la position de Colombier était forte et quelle pouvait repousser tous les assauts dauphinois. Grave erreur de leur part car il ignorait alors la prise de cette place forte.
Château d'Anthon
Tour ronde du château d'Anthon, dominant le Rhône

Le dimanche 11 juin 1430, l'armée dauphinoise entendait la messe célébrée par le chapelain du gouverneur du Dauphiné, au petit jour dans la plaine. Après ce moment de recueillement, elle s'ébranla en direction d'Anthon. Louis de Chalon, perplexe, décida  de rassembler ses chevaliers et sa piétaille, puis se dirigea vers Colombier, en vue de porter secours à ses hommes. Dans quelques heures, la bataille d'Anthon allait faire rage.

Le champ de bataille.

En ce temps-là, le grand bois des Franchises, dans lequel s'est déroulé la bataille, était beaucoup plus étendu et plus compact qu'il ne l'est aujourd'hui. Il s'étendait depuis les environs d'Anthon jusqu'à la maison-forte de Malatrait et la ferme de la Batterie situés un peu au sud de Janneyrias. A l'est de ce village, ce trouvait des marécages que l'on appelle aujourd'hui "marécages de la Laichère".

maison-forte de Malatrait
 Ruines de la maison-forte de Malatrait, sous la végétation envahissante
maison-forte de Malatrait


La bataille se déroula presque uniquement dans les bois.

Les forces en présence.

Selon les chroniqueurs, l'armée dauphinoise se composait alors d'un peu plus de 1 600 hommes répartis en trois groupes: les Dauphinois et Lyonnais du baron de Maubec, Hugues II (approximativement 600 hommes dont 100 chevaliers, 300 archers et arbalétriers et 200 piquiers), les routiers de Villandrando (environ 400 hommes armés de vouges, de masses, de piques…), et les mercenaires Milanais de Caqueran (à peu près 600 hommes dont un tiers de chevaliers). Parmi les combattants, il y avait Pierre d'Aquin, Louis et Arthaud d'Arces, Humbert de Beaumont, Georges de Berenger, Guigues Borel, Ponson Bouvier, Pierre Brunel, Falcon de Buffevent, Arthaud de Chabestan, Humbert de Chaponnay-Feisins, Guillaume Chevalier, Guy de Dorgeoise, Jean du Fau, Lantelme des Granges, Antoine Gras, Guillaume de Guiffrey, Antoine d'Hyeres, Hugues de Montchenu, Antoine Rachais, Pierre de Roussillon, Louis de Saint-Marcel, Antoine de Saint-Ours, Pierre Terrail, Guillaume de Tournon…
   
Selon le rapport officiel, l'armée du prince de Chalon comptait environ 4 300 hommes dont 1 500 chevaliers, 1 000 archers, 600 arbalétriers, 1 200 hommes armes (piquiers, épéistes, massistes…). Voici la liste des nobles qui accompagnèrent Louis de Chalon dans cette expédition contre le Dauphiné: les seigneurs de Beaufremont, de Miribel, de Moullens, de Beysses, de Montagu-Neufchâtel, de Virieu, de Bussy, de Varembon, le comte de Fribourg, les chevaliers de Troyes et de La Chapelle, François de La Palud, Humbert Maréchal, Guigues de Sallenove, Clavin du Clos, Jean de Beaufremont, Antoine de Vergy, les sires de Chissé et Beaurepaire...
   
Les troupes dauphinoises durent donc faire face à une armée trois fois plus importante et mieux organisée. Les chefs dauphinois durent, lors d'une réunion secrète, mettre en place une stratégie afin de repousser le prince de Chalon.

La stratégie dauphinoise.

Connaissant bien le terrain et notamment les bois, les dauphinois pensèrent à une stratégie en deux étapes:

Arrêter la marche de la colonne ennemie et paralyser son action combative en la bloquant dans les taillis impénétrables qu'elle traversera, puisque le chemin menant à Colombier passe au milieu du bois des Franchises.

Les dauphinois connaissaient deux points stratégiques sur le parcours d'Anthon à Colombier: le point de croisement du chemin de Colombier avec la route de Lyon et celui où ce chemin sortait du bois, au niveau de la ferme de la Batterie.

Lorsque la colonne orangiste sera engagée entre ces deux points, les forces dauphinoises, cachées en embuscade, se manifesteront en massacrant tous les chevaliers et hommes d'armes fidèles à Louis de Chalon, en les empêchant de refluer vers la route de Lyon. Villandrando aura la charge de garder la sortie du bois.

L'immobilisation des orangistes dans le chemin et la présence des troupes dauphinoises tout autour provoqueront l'inquiétude dans les rangs ennemis. Pour accentuer la peur parmi les orangistes, les dauphinois hurleront et les bombardes venus de Crémieu seront là pour faire beaucoup de bruit. Cette manœuvre provoquera un sauve-qui-peut général et les hommes du prince s'en retourneront vers Anthon.

Cette stratégie, très théorique, devra permettre la victoire du camp dauphinois.

La bataille s’engage

En bon ordre, les forces dauphinoises vont prendre les positions d’embuscade assignées. Le premier temps de l’offensive s’exécuta de point en point, l’armée orangiste venait de franchir la route de Lyon à Crémieu et la queue de la colonne était engagée au-delà de cette route quand Humbert de Grolée et ses hommes vinrent fermer cette porte derrière elle.

Les premiers cavaliers de la colonne étaient à la Batterie, prêts à sortir, quand les routiers de Villandrando se jetèrent à leur tête, lance au poing. Les chevaux blessés se cabrèrent, les hommes tombèrent et le massacre commença dans un désordre indescriptible. C’est dans la plus grande confusion que, pêle-mêle, la tête de la colonne orangiste, empêtrée, décimée, cherchant une échappatoire, reflua et se retourna sur le reste de l’armée de Louis de Chalon. En même temps, des cris de guerre, suivant le mot d’ordre, sortent des rangs dauphinois.

La Bataille d'Anthon (11 juin 1430)
Les positions tenues au matin de l'embuscade : l'armée du Prince d'Orange s'avance
dans un dispositif qui se referme sur lui comme une pince

La marche confiante de l’armée orangiste devint un sauve-qui-peut général. Les cavaliers orangistes abandonnèrent dans les bois leurs destriers sellés et harnachés, les hommes de trait et d’armes laissèrent arcs, épées, lances et arbalètes sur le sol en essayant d’échapper à la violence des combats et de la fureur dauphinoise. Les survivants se dirigèrent vers Anthon, en laissant de nombreux morts derrière eux au passage de la route de Lyon-Crémieu où furent obligés de se découvrir devant les dauphinois.

La Bataille d'Anthon (11 juin 1430)
L'attaque : Rodrigue de Villandrado lance l'attaque suivi par les ailes qui se rabattent sur les flancs
et l'arrière de l'armée de Louis de Châlon. Cette dernière, surprise lors d'un déplacement, perd
toute sa cohésion et se débande face à l'assaut qui semble venir de partout, pourtant
menée par une troupe moins nombreuse.

Une heure plus tard, près de 4 000 orangistes avaient repassé la grande route de Lyon à Crémieu ; la forêt des Franchises et les bois jusqu’à Anthon en étaient remplis. On extermina les fuyards dans les bois et les champs de blés. Ce fut une déroute totale et définitive : Louis de Chalon perdit la bataille entre 13 heures et 14 heures.

Le surlendemain, le 13 juin, à Crémieu furent vendus 1 200 chevaux sellés et harnachés. Cette vente permet de constater que seulement 300 cavaliers orangistes purent s’échapper à cheval.


Carreaux d'arbalètes, pointes de flèches et dague retrouvés sur le champ de bataille

Quelles sont les pertes ?

Les pertes orangistes sont élevées du fait de l’effet de surprise et de la débandade : 300 morts. Sur le champ de bataille sont étalés raid morts les sires de Beaufremont, de Miribel, de Moullens, de Beysses, les chevaliers de Troyes, de la Chapelle… Le comte de Fribourg ainsi que les sires de Montagu-Neufchâtel (ce seigneur, récemment promu dans l’ordre de la Toison d’Or, du fait de sa lâcheté au combat, fut dégradé par le duc de Bourgogne) et de Virieu ont, selon la chronique, détalés comme des lapins pour échapper aux hommes d’armes de Grolée. Quand aux sires de Bussy, de Varembon, fils du seigneur de Conches, de la Ferté d’Estrabonne et Jean de Vienne, ils sont les hôtes de marque des dauphinois. François de la Palud, qui eut d’ailleurs le nez emporté par un coup de hache, dut avoir recours à sa mère Aynarde de la Baulme pour payer une rançon de 8 000 florins d’or.

Le prince d’Orange ne dut son salut qu'à la rapidité de son vigoureux destrier. En effet, il repassa le Rhône à Anthon, selon Mathieu Thomassin, en se précipitant en armure dans le fleuve avec sa monture et réussit malgré le fort courant à gagner la rive opposée.

Il paraîtrait cependant qu’il traversa le Rhône en bateau, à la faveur de la nuit si l’on tient compte des propos du héraut Berry. Après cette terrible défaite, il se rendit dans l’un de ses châteaux jurassiens, mais bien après qu’il eut payé une forte rançon (il fut emprisonné dès qu’il eut traversé le Rhône). Il dut également faire hommage au roi de France pour sa principauté d'Orange, ce qui lui évita d’ailleurs de payer la totalité de sa rançon.

Lorsqu’en 1672, les paysans abattirent un chêne de la forêt des Franchises, ils trouvèrent dans le creux de celui-ci un combattant orangiste en armure qui avait voulu échapper aux dauphinois en se cachant dans cet arbre ; malheureusement pour lui, il resta bloqué dedans. L’armure fut retirée du tronc et vendue par la suite.

Il faut ajouter que plus de 200 orangistes se noyèrent dans le Rhône selon les chroniqueurs.
Les pertes dauphinoises sont infimes, quelques hommes d’armes.

Epilogue

Louis de Chalon perdit, non seulement ses terres dauphinoises, mais aussi sa principauté d’Orange et le duc de Bourgogne lui retira d’ailleurs tous ses privilèges acquis quand il appartenait à l’ordre de la Toison d’Or. Le sire de Chalon ne cessa de revendiquer ses possessions en Dauphiné auprès du roi de France. Ses droits sur la baronnie d’Anthon ne furent jamais reconnus puisqu’elle fut restituée à la maison de Saluces. Il n’obtint que de maigres compensations financières. Plus tard, en 1456, le futur Louis XI, alors dauphin, lui concéda le château de Fallavier. Guillaume de Chalon, son fils, revendiqua lui aussi la terre d’Anthon 

Le château-fort de Fallavier

Après la défaite, le duc de Savoie, qui n’avait pas participé à la bataille, mais qui avait soutenu Louis de Chalon, perdit définitivement l’espoir de remettre le pied en Dauphiné ; il entreprit de conquérir l’Italie.

Raoul de Gaucourt confia la garde des châteaux de Colombier et d’Anthon à Gilet Richard, seigneur de Saint-Priest jusqu’au moment où Louis de Saluces fut reconnu comme légitime héritier de son oncle Bertrand de Saluces.

Le souvenir de la bataille d’Anthon s’est longtemps perpétué dans les mémoires, d’autant plus que de nombreux vestiges de cet affrontement ont été retrouvés : des armures, une très belle dague ciselée, des charniers…

Olivier PETIT
Historien médiéviste et auteur du blog La France médiévale

Bibliographie



CHARVET (A.) - De Lyon à Satolas - le pays de Velin des origines à nos jours, Neyron, 1984.
GAILLARD (Ph.) - Anthon 11 juin 1430, Collection les Batailles oubliées. Vol. 1, Historic'One Editions, 1998.
NAZET (R.) A la recherche des lieux où se livra la bataille d'Anthon : 11 juin 1430, in Evocations, janvier-février 1946, pp. 5-7 ; mai 1946, pp 2-4.
PAYET (E.), L'agression du Dauphiné par le prince d'Orange et la vérité sur la bataille d'Anthon, Bourgoin, 1955.
PETIT (O) - Le château de Saint-Laurent de Mure et les fortifications dauphinoises en Velin, Mémoire de maîtrise, Université Lyon II, 1998.
Abbé PONCET, Essai sur la baronnie d'Anthon, 1882.
QUICHERAT (J.), Rodrigue de Villandrado, l'un des combattants pour l'indépendance française au XVe siècle. Hachette, 1879.